07/09/2015
Eric Lepêcheur : « Nous devons être exemplaires dans l’acte d’achat »
Le 4 novembre prochain, le salon de Restau'Co se déroulera sur la thématique de la restauration collective responsable. Restauration21 fait le point avec Eric Lepêcheur, le président de l'association qui anime la restauration collective en gestion directe, sur les gros dossiers de la rentrée.
Restauration21 : Le débat autour d'un menu végétarien en restauration scolaire enfle dans les médias. Les gestionnaires et les professionnels ont-ils les moyens de le mettre en œuvre ? Une offre de qualité est-elle disponible ? Dans le réseau Restau'Co ce type de menu est-il déjà une réalité ?
Eric Lepêcheur : Nous pouvons faire beaucoup de chose en restauration collective et l’offre est souvent très variée et diversifiée afin de pouvoir répondre à la demande. Les restaurants cherchent en effet à garder un convive qui pourrait être attiré par le secteur marchand (en particulier pour des adultes, lycées, collégiens). Au demeurant, la grande variété de menu peut générer un surcroit de coût de production et un surcroit de gaspillage par la quantité d’offre proposée. Si, en restauration du 1er degré, les mairies souhaitent proposer des menus uniques "végétariens", il me semble pertinent d’expliquer à nos clients l’objectif attendu et faire partager ce choix par tous. Pas de dictat, mais plutôt un acte pédagogie à construire… Nos acteurs professionnels ont une position très pragmatique sur le sujet. Nous pensons qu’une approche plus consensuelle avec un meilleur équilibre du bol alimentaire doit permettre de trouver une juste offre qualitative et nutritivement équilibrée. Opposer les végétaux à la viande n’a pour nous aucune logique et aucun fondement. La meilleure nutrition est souvent celle du bon sens avec un maximum de variété dans nos assiettes tout en évitant l’excès de telle ou telle denrées.
Nous considérons aussi que la préservation de la biodiversité au sein de nos territoires nécessite la celle de l’ensemble des productions animales et végétales. Rappelons à tous que notre modèle alimentaire français est riche de sa variété et de sa diversité.
Dans quelle mesure la restauration collective en autogestion peut-elle soutenir l'agriculture et l'élevage français ? Vos adhérents jouent-ils déjà le jeu ? Quelles sont les contraintes rencontrées sur le terrain ?
Nous devons être exemplaires non pas par la parole mais dans l’acte d’achat. Nous sommes encore à ce jour perfectibles et nos techniciens doivent convaincre les décideurs et les élu(e)s) afin de mieux acheter. Nous sommes actuellement sur une démarche d’accompagnement de nos acteurs grâce à diverses actions mises en œuvre pour expliquer les contraintes et proposer des solutions :
– un accord collectif qui doit nous permettre un engagement de tous sur des bonnes pratiques ;
– la démarche "mon restaurant responsable" mise en œuvre par Restau’Co et la Fondation Nicolas Hulot pour évaluer l’engagement durable de nos restaurants et proposer de manière participative une démarche de progrès ;
– des interventions dans les régions avec les DRAAF pour informer et présenter les outils de l’achat.
Les restaurants de collectivité doivent gérer des contraintes de coûts, de compétences d’achats, de manques d’offres, et parfois la méconnaissance des enjeux de la part de leurs interlocuteurs.
En décembre 2014, Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, a présenté un guide d'achats à l'intention de la restauration collective. Les adhérents de Restau'Co l'utilisent-ils ?
Oui, ce n’est d’ailleurs pas une nouveauté, mais il est nécessaire parfois de pouvoir rappeler à tous les techniques d’achats, les subtilités du code des marchés mais aussi la responsabilité de tous pour atteindre des objectifs d’achat plus responsables. De toute évidence, nous pourrions aussi modifier les textes du code des marchés publics pour simplifier l’achat durable en considérant que l’achat doit privilégier la meilleure proximité entre le producteur ou l’éleveur et le restaurateur, dès lors que nous sommes en pleine saison de production avec une qualité et un prix pertinents.
L’ensemble des pays européens et les acteurs de ce secteur pourraient ainsi mieux acheter tout en comprenant mieux la démarche et la pertinence de l’achat durable. Le libre-échange n’est pas un obstacle, mais il doit malgré tout respecter quelques règles de bon sens.
Restau'Co a engagé engage la rédaction d'un accord collectif pour une restauration sociale qualitative et équitable. Ou en êtes-vous ?
Nous avons écrit une première version avec la participation de tous les acteurs de notre réseau. Cela fut particulièrement intéressant et nous a conforté sur l’idée de la nécessité absolue de partager ces enjeux. La restauration se conjugue au pluriel et tous les segments et les acteurs ont leur pertinence.
Nous sommes aujourd’hui dans la phase de présentation du projet à nos adhérents de chaque secteur de manière à recueillir les promesses d’engagement de chacun. Une étape qui se finalisera le 4 novembre sur notre salon.
Le texte est également soumis à validation des comités experts du Ministère, notre souhait étant d’obtenir un accord sur un texte qui pourrait être signé lors du prochain Salon de l’Agriculture. Cela sera un réel évènement porté par la restauration collective en gestion directe mais au-delà de la forme, une réelle avancée des pratiques pour une restauration sociale de qualité.
Quels sont les gros dossiers pour 2015-2016 ? Quand le référentiel sur la restauration responsable élaboré avec la Fondation Nicolas sera-t-il mis en œuvre ?
Nous sommes actuellement sur les phases de test de la démarche Mon Restau Responsable dans divers établissements : Restaurant Inter Administratif de Lyon, SIRESCO, Lycée Janson de Sailly Paris et la Caisse des Ecoles de Paris 4e arrondissement. Des tests nécessaires pour adapter la méthode aux besoins des cuisines de collectivité. Ce n’est ni une norme, ni un label, ni un signe de qualité, il est bien plus que cela : Mon restau responsable est un réel outil d’aide à la décision. Il crée un réseau, un système d’échanges pour accompagner une démarche de progrès choisie et voulue par chaque restaurant. C’est réellement une démarche novatrice mais elle manque cependant de soutien de la part de nos dirigeants.
Sur le sujet :
Restauration responsable : Restau'Co annonce un salon modèle, le 09/03/2015.
Un guide pratique pour manger local en restauration collective, le 02/12/2014.
Restau'Co engage la rédaction d'un accord collectif pour une restauration sociale qualitative et équitable, le 19/11/2014.
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