17/11/2017
Gaspillage, équilibre des menus, bien-être des convives, les prémices du Développement durable à travers « 80 ans de Restauration Collective »
A l’occasion des 80 ans du magazine Restauration Collective, Nelly Rioux, journaliste spécialisée, a retracé l’histoire de la restauration collective dans un livre réalisé à partir des archives du journal et publié par les Editions de la RHF. La rétrospective démarre sous le Front populaire et nous emmène jusqu’à la restauration collective que nous connaissons aujourd’hui. L'auteur a sélectionné des extraits et des photos qui donnent, en particulier aux jeunes générations, des repères incontournables pour comprendre comment sont nées les cantines, qu’elles soient scolaires ou d’entreprise mais également les plateaux-repas des hôpitaux ou des prisons, ou encore les rations de l’armée.
Restauration21 – Dans « 80 ans de restauration collective » vous consacrez un paragraphe au développement durable et aux cantines responsables. De quelle façon le Développement Durable a-t-il changé le visage de la restauration collective ?
Nelly Rioux – On ne pouvait pas retracer l’histoire de la restauration collective sans aborder cette question du Développement durable qui touche aujourd’hui largement la restauration collective. Pourtant, en consultant les archives du journal, on s’aperçoit que la restauration collective prend part à ce mouvement assez tardivement, vers la fin des années 90, et encore, il ne s’agissait alors que de quelques précurseurs. En revanche, elle était sensibilisée depuis longtemps aux problèmes de gaspillage, non pas parce que les convives ne mangeaient pas ce qu’ils avaient dans leurs assiettes, mais parce que, pendant longtemps, ce n’était pas le règne de l’abondance. C’est d’ailleurs très intéressant de voir que pendant toute la période de la 2e guerre mondiale et les années qui ont suivi, il y avait énormément de conseils et de recettes dans les colonnes du journal pour préserver la rareté des biens et des denrées. Le don était monnaie courante car il n’y avait pas de réglementation sanitaire qui l’empêchait, comme ce fut le cas avant qu’on ne l’autorise à nouveau très récemment. La responsabilité environnementale est, elle, beaucoup plus récente même si on peut noter que lorsque les cuisines sont passées du charbon au gaz, au fioul ou à l’électricité, les économes s’interrogeaient déjà sur les consommations énergétiques qu’allaient induire ces nouvelles énergies. Mais c’était surtout par soucis de gestion des deniers publics… Enfin, on s’aperçoit aussi que les peurs alimentaires existaient depuis belle lurette mais qu’elles étaient souvent causées par ignorance, en particulier des règles d’hygiène. Il y a un entrefilet amusant que j’ai sélectionné où déjà en 1960, un chroniqueur du magazine s’interrogeait sur les colorants synthétiques…
Restauration21 – La notion du « care », du « prendre soin » prend de plus en plus d'importance dans notre société. Pourtant, à vous lire, elle n'est pas vraiment nouvelle.
De tout temps, les économes – c’était le nom des personnes qui géraient la restauration collective tous secteurs confondus – se sont intéressés au bien être du convive, à sa santé. A travers les archives, on perçoit cette préoccupation constante, de faire bien, de nourrir correctement, dans de bonnes conditions, avec des menus équilibrés. Une notion qui apparaît après la guerre sous l’influence de Lucie Randoin qui va écrire la première Table de composition des aliments et qui animera une rubrique dans le journal. Très proche de Raymond Paumier, un instituteur que les experts s’accordent à désigner comme le père fondateur de la restauration scolaire, lui-même chroniqueur régulier du journal, ils ont, ensemble, milité pour la mise en place de menus équilibrés pour les élèves dans les écoles. Mais il est vrai qu’à l’époque, c’était davantage pour faire prendre du poids aux enfants qui avaient beaucoup soufferts des privations dues à la guerre. Alors qu’aujourd’hui, les menus équilibrés ont pour vocation de contribuer à la lutte contre l’obésité…
Restauration21 – Comment la restauration sociale peut-elle aborder les 80 prochaines années ?
Tous ces paradoxes m’ont semblé intéressants parce que finalement, j’ai eu la démonstration que les problèmes d’hier étaient les mêmes que ceux que la restauration collective rencontre aujourd’hui. La société a eu beau se transformer avec le progrès – et quel progrès ! – les mêmes questions se posent… mais à des niveaux totalement différents. Je pense que l’ère des cantines responsables va permettre de faire à nouveau des pas de géant, dans le bon sens. Les démarches se multiplient et fédèrent les acteurs de la restauration collective, les achats de proximité progressent, les conditions de travail s’améliorent par rapport à celles que j’ai pu découvrir dans les archives du journal. C’est positif et il faut aller dans ce sens. Sincèrement, se plonger dans l’histoire permet de mieux comprendre le présent et de retrouver son optimisme !
Photo@Restauration21.fr
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