08/06/2022
Etes-vous gourde friendly ?
Classée plutôt « ringarde », la gourde reprend du galon alors que le réemploi des contenants bouscule le marché des CHR, boissons comprises.
Elle est loin la gourde ovale et cabossée des années campings. Transparente, en verre, en plastique, en alu, de toutes les couleurs, la gourde a fait sa mue, jusqu’à devenir éco-conçue. Parfois, elle prend la forme d’une bouteille. Dans un sac ou posée sur un bureau, la gourde devient l’étendard du consommateur ‘anti-bouteille en plastique à usage unique’. Si le plus souvent, elle contient de l’eau du robinet, elle peut aussi être remplie de toutes sortes de boissons. D’autant que les vendeurs de boissons à emporter doivent adopter une tarification plus basse lorsque la boisson est vendue dans un récipient réemployable (et propre) apporté par le consommateur par rapport au prix de vente de cette boisson servie dans un gobelet jetable (loi Agec). Au restaurateur de décider de la « tarification plus basse » qu’il applique. Le récipient peut être un gobelet avec ou sans couvercle mais tout aussi bien une gourde.
Exki accorde une remise de 5 % sur les boissons –thés, cafés, soupes – vendues à emporter dans les contenants réutilisables de ses clients. Lesquels peuvent également acheter une gourde ou un mug disponibles en plusieurs formats. L’offre a été mise en place il y a un an. «Nous n’avons pas encore beaucoup de clients pour les gourdes. Et ils sont peu nombreux à venir avec leurs propres mugs. Cela fonctionne le mieux dans nos restaurants situés dans des quartiers de bureaux comme Saint-Lazare ou la Défense» explique Frédéric Rouvez, CEO d’Exki. Vendue en vrac, une boisson chaude est facturée à l’unité : 2 cafés longs par exemple. Mais s’il s’agit d’un café simple allongé, l’eau chaude est offerte. «Qu’on offre l’eau froide ou chaude, c’est la même chose. Depuis longtemps, nous avons une fontaine à eau froide dans chaque restaurant. Chaque client peut y remplir sa bouteille personnelle. » L’enseigne étudie la mise en place d’une bombonne d’eau aromatisée dont la consommation en vrac serait payante.
Boutiques de vrac liquide
« Sans le savoir, les restaurants, les bars sont des boutiques de vrac liquide » assure Alexandre Solacolu. Ingénieur et animé par la lutte contre la pollution du plastique à usage unique, notamment celle des bouteilles d’eau, il a créé la startup Haoli qui recense plus les bars et établissements CHR acceptant le remplissage gratuit de gourdes en eau (lire encadré). Pour lui, le remplissage marchand d’un contenant réemployable (comme une gourde) avec une boisson type soft ou alcool n’est qu’une question de temps.
Perret Cuisine en charge de l’offre de restauration à la Grenoble Ecole de Management a fait ce pari. Une fontaine (Behring) à eau plate, gazeuse et eau aromatisée (3 parfums) a été installée près du kiosque de vente de restauration. Des gourdes en verre fermées par un bouchon à vis (Objetrama) sont proposées aux convives au prix de 4 € pièce. «L’eau plate est gratuite. L’eau gazeuse en vendue 0,5 € et l’eau aromatisée 1 € » explique Emilie Perret. La quantité vendue est paramétrée à 50 cl (la contenance de la gourde), le paiement sans contact étant effectué par carte bancaire, restau ou tel portable grâce à un boitier Nayax. «Depuis septembre 2021, nous avons vendu 60 gourdes, ça démarre doucement» constate-t-elle. A ceux qui consomment sur place, le kiosque propose des verres en verre et gobelets lavables (Newcy) à 10 centimes (consigne). « C’est une question de temps, le zéro déchet va progressivement trouver son public » pronostique-t-elle. Cependant, pour conserver son niveau de chiffre d’affaires, le kiosque a gardé son offre de jus de fruit, eau plate et pétillante, colas en bouteille en verre consigné.
Depuis quelques mois, la devanture du Bam Bam Café à Nantes (44) arbore le sticker « Gourde Friendly ». Cécile Marty, la patronne, a tout de suite adhéré à l’initiative de Holali . Aux clients qui viennent avec leur thermos une boisson chaude (café, latté, thé), elle accorde une ristourne de 0,2 €, le prix étant basé sur celui d’une tasse de la boisson achetée.
Réduire la quantité de déchets abandonnés
Ce sont les bars qui sont, selon Alexandre Solacolu les plus intéressés par les gourdes ou autres contenants réutilisables permettant une consommation nomade. « Les bars sont concurrencés par les supérettes qui vendent des canettes et des bouteilles de bière bien souvent consommées à proximité et jetées sur la voie publique », explique-t-il. La vente de bière par un bar dans un contenant réemployable et nomade lui permettrait ainsi regagner des points de CA tout en réduisant la quantité de déchets abandonnés. Reste à régler le sujet de la consommation d’alcool sur la voie publique et le startupeur avance un début de réponse : « Le patron d’un débit de boisson a une responsabilité que n’a pas le caissier de la superette. Il peut parfaitement refuser de vendre de l’alcool à une personne qu’il juge déjà suffisamment alcoolisée ».
Jean Bouteille, spécialiste du vrac liquide en GMS et qui, depuis peu, développe une offre auprès de la RHD. Tout a commencé en 2020, lors de la crise sanitaire, quand les bars et fournisseurs se sont retrouvés coincés avec des stocks de bière avec une DLUO arrivant à expiration. «Nous avons créé une mini station d’embouteillage pour la bière. Depuis, nous travaillons sur une offre pour faciliter l’utilisation de vrac liquide en restauration» explique Manon Carpentier, responsable marketing et communication chez Jean Bouteille.
Alexandre Solacolu est certain que l’essor du remplissage marchant d’une gourde ou autre au contenant permettant la vente de vrac liquide passera par une offre de boissons premium et plutôt locales, citronnade, eau aromatisée par exemple. « Il y a l’enjeu de soutenir l’économie locale et de développer la consommation en circuit court. C’est aussi une question de propreté urbaine et c’est pour cela que les collectivités locales s’emparent de ce sujet. »
Article à retrouver dans son intégralité dans le Magazine #6 de Restauration21.
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