03/02/2023
La paille, la manger ou s’en passer
Jusqu’à leur interdiction en 2021, le 3 février était la Journée internationale sans paille en plastique pour la France et les pays d’Europe. Depuis, des pailles compostables, mangeables, lavables ont pris leur place dans nos verres. Mais faut-il absolument leur trouver une alternative ?
Nous republions l’article signé Nelly Rioux et paru dans le Magazine #4 de Restauration21 en septembre 2020.
Avant même l’annonce de leur suppression (ndlr le 1er janvier 2021), des enseignes de restauration ont troqué les pailles en plastique contre des pailles réutilisables. Comme au Partisan Café (Paris 3e) où la paille en inox, recyclable à l’infini, a fait son apparition. Elle doit être lavée après chaque utilisation à l’aide d’un petit goupillon. Et pour ceux qui ne la trouveraient pas particulièrement agréable en bouche, d’autres matières sont proposées. La paille en verre (borosilicate), très esthétique, reste dangereuse et ne doit pas être mise entre toutes les mains. Les pailles en roseau ou en bambou peuvent être lavées et utilisées plusieurs fois. Mais, si elles sont mâchonnées par les clients, elles partent à la poubelle, inexploitables pour un deuxième service. De plus, souvent fabriquées en Asie, elles affichent un bilan carbone défavorable.
À ces modèles, s’ajoutent les pailles jetables, recyclables et compostables, comme les pailles en paille, en fibre de canne à sucre ou les pailles en papier. Les premières ont l’avantage d’être fabriquées en France à l’instar des pailles de La Perche Made in Normandie, fabriquées à partir de paille de seigle bio. Ces pailles de blé (Comatec) sont généralement lavées et stérilisées après avoir été récoltées mais ne sont pas adaptées aux smoothies et autres boissons épaisses car elles ont tendance à se plier. Elles ne donnent pas de goût aux boissons et se dégradent en quelques semaines une fois placées dans la poubelle des biodéchets. La paille en papier ou en carton se recycle aussi très bien et reste la solution la moins chère du marché même si elle a souvent tendance à transférer un goût désagréable en bouche.
Nouvelle expérience boisson
Comme le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas, des entreprises ont eu l’idée d’élaborer des pailles comestibles. Pâtes (PanzaPaille de Panzani), sucre (Sorbos), fibre de pommes (Wise Food) ou même algues (Lolistraw), les pailles qui se dégustent présentent l’avantage d’apporter une nouvelle expérience boisson. Mais, comme certaines d’entre elles se cassent facilement, elles finissent par se révéler coûteuses.
Alain Dauvergne, professeur de bar à l’Institut Paul Bocuse et lauréat de la finale France du Sustainable Cocktail Challenge, milite en faveur de l’abandon total des pailles y compris dans le sacro-saint mojito : « Je trouve plus intéressant de profiter de cette mesure (n.d.l.r. la suppression des pailles) pour travailler de nouvelles déclinaisons de cocktails desquels on bannirait la glace pilée qui appelle l’usage de la paille. Il est facile de réaliser un mojito sans paille, avec des glaçons classiques, qui sera servi prêt à boire, parfaitement équilibré. Il faut pousser les clients à perdre le réflexe de la paille ». Il trouve que les cocktails très visuels des années 80 comme la Tequila Sunrise ne correspondent plus aux attentes des consommateurs selon lui. « C’est aux barmen d’insuffler la tendance en réinventant des recettes plus en phase avec notre époque. Sans pailles, avec moins de glace pilée, en recalibrant si besoin la verrerie ».
Avec ou sans paille ? Incontournable pour les uns ou inutile pour les autres, sa remise en question va de pair avec celle de l’offre boisson.
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Pour paraphraser amicalement ce bon Alain Dauvergne, on peut aussi très bien se passer de couverts pour manger, c’est aux restaurateurs d’insuffler la tendance. J’ai quand même l’impression que McDo n’a pas forcément tiré la restauration vers le haut.
Qui sommes-nous pour réclamer une « interdiction totale des pailles » ? Où étiez-vous quand il s’en vendait plus de 3 milliards de pailles chaque année en France ?
La paille plastique était sans aucune valeur (les limonadiers les offraient à leurs clients CHR), mais avait un énOOOrme coût environnemental. Les pailles végétales ont un coût, mais elles ont aussi un impact positif sur l’environnement (Source Agence de l’eau, ACV La Perche par l’UQAM)
Quand l’agriculture locale française est en mesure d’apporter une alternative aux pailles plastiques, dès 2018 sous mon impulsion avec La Perche, mais aussi plusieurs autres dès 2019, moi je tire mon chapeau à ces initiatives qui valorisent un coproduit agricole parfois inutile ou sans valeur en apportant un revenu complémentaire aux agriculteurs, et ce dans une logique d’économie circulaire vertueuse.
Il me semble que ça sert pas à grand chose aujourd’hui de tirer sur les pailles en essayant d’inventer des modes de consommation nouveaux —sérieusement, changer les verres et le type de glace des mojitos pour venir à bout d’un usage festif qu’est celui des pailles, vous êtes sérieux ?
En revanche, soutenir la filière agricole céréalière bio de France qui a développé un savoir-faire reconnu dans le monde entier (nous exportons notre savoir-faire aux USA), c’est peut-être là qu’il y aurait un travail à faire par ce maillon indispensable entre les producteurs de solutions alternatives et les utilisateurs, tous deux enthousiastes, que sont les bartenders.
Merci Lydie pour cet article qui a le mérite de poser le débat 🙂
En effet, s’il n’y a plus de débat sur la fin du plastique à usage unique, s’ouvre en revanche celui sur ses alternatives et tout ce qui en découle : le mode de production, l’approvisionnement, les contraintes d’utilisation, les nouveaux usages…