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26/10/2023

Labels et distinctions écologiques font bouger les pratiques

©Green Food

Pour un restaurateur, choisir la marque « verte » qui lui permettra de valoriser sa démarche écologique auprès de ses clients relève du défi face à l’hétérogénéité des offres.

Article écrit part Nelly Rioux et publié dans le Magazine #10 de Restauration21

Les restaurateurs découvrent depuis quelques années pléthore de labels ou distinctions censés garantir à leurs clients des pratiques bénéfiques à la planète, tout en leur offrant des prestations exem­plaires. Des offres issues d’entreprises privées ayant leur propre cahier des charges, leur méthodologie et leurs certitudes. De son côté, l’Ademe fait des recommandations aux consommateurs mais parmi elles aucune ne concerne strictement la restauration. En revanche, pour l’hébergement, elle promeut l’Écolabel Européen (certifié en France par l’Afnor) et le label Clef Verte – membre du réseau Green Key fondé par la FEE (The Foundation for Environmental Education), une ONG basée à Copenhague. Seule Clef Verte dispose d’un volet dédié à l’activité de restauration avec un cahier des charges dis­tinct constitué de 95 critères dont 57 sont impératifs pour obtenir la validation.

Bilan carbone versus auto-déclaration

Mais, dans l’hexagone, seulement 17 restau­rants sont aujourd’hui labellisés Clef Verte alors que le réseau international en compte plus d’une centaine. De quoi laisser de la place aux acteurs privés, entreprises ou associations dans la cartographie des labels écologiques pour proposer des offres de services multiples, variées et payantes (voir notre tableau).

Parmi les marques privées, il faut distinguer celles qui revendiquent une démarche scientifique basée sur un bilan carbone (Clorofil, FiG) de celles qui proposent un simple audit (Ecotable, Green Food) sur la base d’un référentiel privé ou d’une charte. Sans oublier, le rôle du précurseur Bon pour le Climat qui, dès 2014, proposait d’évaluer l’empreinte carbone du menu. La plupart utilisent des critères identiques pour élaborer une grille de diagnostic permettant d’effectuer une première analyse en ligne des pratiques d’un restaurant: contenu de l’assiette, lutte contre le gaspillage, dépenses énergétiques, produits d’entretien…

Lire aussi : Clorofil dévoile son calculateur d’empreinte carbone

Un déclaratif complété par la fourniture des factures d’achat et parfois de photos. « Nous vérifions sur les réseaux sociaux que les établissements postent des photos de plats avec des produits de saison et végétariens » prévient Eva Genel, fondatrice de FiG. Lorsque les dossiers sont complets, ils sont administrés en interne, sans intervention d’auditeur extérieur, contrairement à une certification (Afnor) ou la Clef Verte qui audite les établissements via des conseillers de CCI ou des consultants RSE externes qualifiés Clef Verte. Néanmoins, ces marques sont d’accord pour dire que leurs offres de service permettent aux restaurateurs de faire évoluer leurs pratiques en faveur de l’environnement. En parallèle, elles permettraient aussi d’économiser en moyenne 20 % sur les achats de denrées et 15 % sur la facture énergétique.

Reproduction interdite ©Restauration21

Camille Brouillard, cheffe du Restaurant L’Huîtrier Pie à Saint-Émilion (33) a commencé par entreprendre une labellisation Green Food en 2018. « Nous utilisions déjà des produits locaux et/ou bio mais cela nous a permis de mettre en place beaucoup de choses comme la gestion des déchets, des invendus, une option végétarienne… Puis nous avons travaillé avec Clorofil pour aller plus loin avec un vrai bilan carbone qui nous a permis de réduire le pourcentage de protéines animales. Nos amuse-bouche sont désormais 100 % végé et il n’y a plus d’option mais un vrai plat végé à la carte. J’ai moi-même réalisé la mesure des émissions en ligne, c’est très facile avec la dématérialisation des documents. Notre engagement en faveur de l’écoresponsabilité nous permet aussi de fédérer notre équipe qui est elle-même très impliquée. Chez nous, vous ne verrez jamais un serveur vider l’eau des seaux à champagne dans l’évier. Elle sert à arroser les fleurs! Et quand on recrute, on insiste sur cet aspect qui séduit beaucoup ».

Lire aussi : Ecotable lance une plateforme de mesure d’impact environnemental pour les restaurateurs

Un problème de communication

Des actions que les consommateurs ont pourtant du mal à identifier En mai dernier, Majorian(1) dévoilait son premier baromètre sur les perceptions et pratiques des Français en matière d’hôtellerie-restauration durable. Il révélait notamment leur souhait de connaître les pratiques durables des établissements qu’ils fréquentent ou dans lesquels ils souhaitent aller. Une information importante pour les restaurateurs d’autant qu’une autre étude(2) parue à l’occasion du salon Food Hotel Tech affirmait que 56 % des Français seraient prêts à payer plus cher pour aller dans un restaurant écoresponsable. FIG bénéficie de la notoriété de la plateforme de réservation The Fork qui répertorie les établissements ayant acquis le badge de la marque et Ecotable a lancé un Resto-score pour essayer d’apporter un sigle facilement repérable par le consommateur. « Sur notre site internet, nous avons une carte des restaurants labellisés pour permettre au grand public de faire des choix éclairés » précise Lou Dacquet, responsable communication et marketing Ecotable.

 

Lire aussi : TheFork s’associe au Food Index for Good

De fait, pour valoriser « leurs » restaura­teurs, la plupart des marques mettent à leur disposition des pictogrammes à coller sur leurs devantures et leur site internet, parfois avec une note (macarons, feuilles), selon l’avancée de leur démarche. Enfin, notons qu’elles profitent de la clé d’entrée qu’offre leur label pour proposer aux restaurateurs des offres de services complémentaires, sous forme de conseil ou de formation, qui peu­vent vite faire grimper la note.

Légitimité et progrès

Pascal Raffray, chef propriétaire de La Table du Marais à La Fresnaie (35), a aussi un point de vue très argumenté: « C’est très contraignant d’acquérir un label, ça prend du temps et dans nos métiers nous en avons peu. Il faut rechercher les factures, prendre des photos des compteurs d’énergie. Je n’ai pas reconduit mon label Clef Verte pour cette raison mais je vais m’y réatteler prochaine­ment. Le prix n’est pas un frein quand la qualité et l’environnement sont une philoso­phie. C’est pour ça que j’ai accepté de faire partie de l’expérimentation de l’Ademe [lire plus bas] ». Le chef, qui est aussi Maître Res­taurateur, a toujours travaillé avec des producteurs locaux, en utilisant des produits frais de saison, en irriguant son potager avec un système goutte à goutte ou en chauffant l’établissement avec un poêle à granules. « Nous avons un poulailler et j’invite les enfants qui n’ont pas fini leur pain à aller le donner aux poules. Ils en profitent pour aller voir les ruches que nous exploitons en parte­nariat avec un apiculteur. C’est une pédagogie positive pour parler du gaspillage et de la biodiversité ».
Pour lui, le titre d’état de Maître Restaurateur qui valorise le « fait maison » est une première garantie pour le consommateur qui l’identifie parfaitement. Avec ses producteurs et son ostréiculteur, ils ont a banni les emballages et fonctionnent avec des contenants consignés. Il appelle de ses voeux des aides publiques pour financer l’installation des capteurs sur les appareils (chambres froides, hottes…) de la cuisine afin de réduire les consommations énergé­tiques… « C’est assez coûteux et il faut faire face à tellement d’investissements qu’on ne peut, hélas, pas tout faire. J’espère qu’en par­ticipant à l’expérimentation de l’Ademe, je vais pouvoir faire remonter cette attente ». Pascal Raffray en est convaincu: le label le rend plus légitime aux yeux de ses clients et le fait progresser au quotidien même s’il lui demande beaucoup d’efforts: « À chaque geste je m’interroge, comment pourrais-je faire mieux demain pour être plus vertueux ? ».

Lire aussi : Des restaurateurs et l’Ademe Bretagne jettent les bases d’un futur Écolabel européen « Restaurateur »

(1) Plateforme de solutions pour les entrepreneurs indépendants de l’hospitalité et la restauration.

(3) Étude Food Service Vision – Février 2023

 

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