04/07/2024
L’alimentation et la restauration, sur le front pour défendre la biodiversité et le lien à la nature
Le climat et la nature peuvent devenir des éléments structurants de la stratégie des entreprises.
La tribune d’Elisabeth Laville, fondatrice d’Utopies et administratrice de B LAB France.
L’alimentation est fondamentalement ce qui nous relie à la nature, à la fertilité de la terre et à l’énergie du soleil. Parce que l’agriculture transforme les paysages, parce que nos aliments nous relient aux autres espèces, et surtout parce que la chaîne alimentaire n’est, depuis la nuit des temps (1), qu’une façon pour les espèces de se transmettre l’énergie solaire que seuls les végétaux ont la capacité de synthétiser – et que nous récupérons, sous forme de calories, quand nous mangeons ces plantes ou des animaux qui s’en nourrissent.
Éloignée de la nature, l’alimentation industrielle ne sait plus en prendre soin : avec 75 % de l’eau consommée sur la planète et un tiers des émissions de gaz à effet de serre dans l’Hexagone, elle épuise les sols et la biodiversité. Ainsi, 40 % de l’économie mondiale reposent sur les services gratuits fournis par la biodiversité, comme l’épuration de l’eau, la pollinisation ou la photosynthèse… et 60 % de ces services sont aujourd’hui menacés par les activités humaines.
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Dans ce contexte, alors que les entreprises s’éveillent à ces questions, mesurant leurs performances avec de nouveaux outils, travaillant des feuilles de route sur la biodiversité, l’alimentation et la restauration ont un rôle tout particulier à jouer. D’abord en tenant le cap des efforts pionniers historiques du secteur sur la réduction de la consommation de viande (associée à la déforestation pour l’alimentation des animaux), le respect des saisons, l’approvisionnement local, la diversité variétale, la réduction du gaspillage alimentaire (merci TooGoodToGo), le compostage des déchets alimentaires, les emballages réutilisables, la lutte contre le plastique à usage unique, etc. Ensuite en mettant au menu dès aujourd’hui ce qui sera la norme demain. En France, les lois Egalim, Climat & Résilience ou Agec ont accéléré le changement.
Depuis janvier 2024, les restaurants d’entreprises, comme ceux gérés par des acteurs publics, doivent respecter la contrainte de 50 % d’approvisionnement durable et de qualité (dont 20 % de produits bio ou en conversion… objectif non tenu à cette date). Alors que la consommation du bio marque un ralentissement, rappelons quand même les effets de cette agriculture sur la biodiversité – avec 30 % d’espèces en plus et 50 % d’individus en plus (2), et un meilleur bilan carbone (3).
Voter en mangeant
Enfin, en jouant sur le plaisir et les échanges conviviaux autour de l’alimentation pour sensibiliser les convives aux nouvelles tendances culinaires, à des ingrédients inédits, ou à des pratiques alimentaires durables qu’il est urgent de rendre accessibles à tous.
Parce que, plus que jamais, nous serons ce que nous mangeons. Et qu’à la veille de glisser nos bulletins dans les urnes, il est bon de se souvenir que manger est désormais aussi un acte agriculturel, écologique et politique.
1) Voir « The Omnivore’s dilemma » de Michael Polan, Penguin Press, 2006
(2) Bengtsson, J. et al. 2005
(3) Thèse de doctorat de Mme Benedicte Autret (nov. 2017) citée dans le rapport de la Cour des Comptes sur l’agriculture biologique en 2022
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