04/11/2024
Il ne suffit pas de vouloir manger mieux: il faut (d’abord) pouvoir le faire
En faisant des options écologiques des choix désirables, la restauration participe à la banalisation d’une consommation alimentaire durable.
La tribune d’Elisabeth Laville, fondatrice d’Utopies et administratrice de B LAB France.
Dans une note tout juste parue (joliment intitulée « Quand on peut, on veut »), l’Institut de Recherche IDDRI propose de mettre en œuvre la transition écologique à partir d’une perspective inversée, pour embarquer toute la société au-delà des groupes minoritaires déjà engagés. Trop souvent, selon les auteurs, la responsabilité de consommer ou de manger de manière plus durable est laissée uniquement sur les épaules du consommateur, en partant du principe qu’il suffit de sensibiliser et d’informer pour provoquer un change ment. Pourtant, les faits montrent que les obstacles sont nombreux, qu’ils soient d’ordre matériel, économique ou culturel. Pour que chacun puisse évoluer vers une alimentation plus respectueuse de l’environnement, il faut changer de perspective: rendre les pratiques vertueuses plus faciles, accessibles, attractives, et surtout, possibles – sans jamais stigmatiser ni donner l’impression de juger la conscience écologique des gens.
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L’alimentation et la restauration sont des secteurs emblématiques signalés par les auteurs car cette approche par les « modes de vie » pourrait s’y appliquer – à partir d’une intervention en 4 dimensions: sur l’environnement physique (travail sur l’offre, la disponibilité et la mise en valeur des produits), socioculturel (travail sur les prescripteurs, les expérimentations collectives, la culture), économique (travail sur les prix, les marges, les subventions, les ressources) et cognitif (travail sur l’information, les outils éducatifs).
Normes sociales
Aujourd’hui, bien que l’offre végétarienne ou locale se développe, elle reste souvent cantonnée à des établissements de niche ou à des options marginales. Si les choix alimentaires durables peinent à s’imposer, ce n’est pas seulement par manque de volonté des consommateurs, mais bien parce que l’environnement ne favorise pas encore assez ces pratiques. Les restaurants, en tant qu’acteurs essentiels où se façonnent les normes sociales du « bien manger », ont donc un rôle majeur à jouer en modifiant leur offre et en faisant des options écologiques la nouvelle norme – par une offre plus importante, une mise en valeur de ces choix sur les menus, une tarification incitative, un changement de la communication valorisant un nouveau repas à la française ou encore des ateliers de cuisine végétarienne.
En somme, il ne suffit pas de vouloir manger mieux: il faut (d’abord) pouvoir le faire. L’approche par les « modes de vie » appliquée à la restauration consiste à rendre ces choix durables désirables et accessibles à tous, en imaginant des solutions pour s’adresser à la diversité des clients. Car lorsque l’offre est là, attractive et simple, manger mieux devient une évidence pour tous. Et c’est ainsi que la transition alimentaire pourra réellement se concrétiser: non pas par la seule volonté des individus, mais grâce à des environnements qui rendent ces choix possibles et naturels.
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